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Le Point Rouge : derrière la porte du Château Descas...

Loin du Bordeaux Unesco toisé avec envie pour sa pierre blonde et ses monuments hérités de l’époque des grands bâtisseurs (Gabriel, Tourny et consorts), le quartier Sainte-Croix baigne dans une ambiance arty et « village » qui n’est pas sans nous déplaire.

Des étudiants en tous arts se croisent le jour, se posent ensemble la nuit dans l’un des nombreux bars sans prétention où l’on paie son ballon de rouge au vrai prix, et son tartare moins de 15 euros (et mème que les frites entassées sans chichi à côté sont « maison »), une guitare à la main pour les zicos ou un grand carton vert moucheté à dessin sous le bras pour les jeunes espoirs des beaux-arts.

Far far away ?

Les quais de Paludate naissent ici. Ces quais à la réputation sulfureuse, que le Bordelais de plus de 22 ans boude un peu, sauf quand il a légèrement bu et qu’il veut poursuivre sa soirée à la Plage ou autre boite passé 2h du mat et quelques verres de vin. C’est qu’on est loin de la réputation léchée et meilleure-enfant de l’extrême centre. Ils paraissent d’ailleurs bien loin ces quais, à aficionados de Saint-Pierre : et pourtant les Chartrons ne sont pas plus près…mais Paludate l’ex trop-aimée des fêtards souffre d’une image dépréciée, tandis que certaines boites jugées « has-been » par certains ont vu de nouveaux établissements du centre-ville prendre place au cœur des nighteurs jusqu’au-boutistes.

C’est ici que Le Derrière a évidemment l’un de ses quartiers. Pour l’ambiance arty et underground, justement, mais aussi car l’une des portes d’un monument au passé lui-mème sulfureux cache un endroit où l’on apprécie tout particulièrement de poser séant pour s’offrir une soirée détendue. A seulement deux arrêts de tram de la Porte de Bourgogne, au tout 1er de ces quais, un bâtiment cher aux Bordelais étire en effet ses longs murs ostentatoires : le Château Descas.

Le Château Descas

L’histoire de ce château est en elle-mème un peu « dark » : C’est Jean Descas, un homme d’affaire parti de rien, qui s’installe ici après avoir fait réussite dans le vin, à la barbe de la noblesse traditionnelle lotie aux Chartrons (qui jugea évidemment la bâtisse bien tape-à-l’oeil pour la bienséance). A l’abandon depuis les années 1970, le tout Bordeaux viendra s’y encanailler début années 2000 dans des cabarets, fermés depuis pour des raisons de sécurité. Fantômes et légendes encerclent le lieu, le Bordelais rebelle tel sa grand-mère Aliénor aime se faire peur.

L’une de ses ailes est à nouveau accessible au public depuis 2015 (école et assos se partagent les autres ailes) avec l’ouverture d’un bar à cocktails, à vins et à ambiance : le Point Rouge.

Crédit photo // Constant Formé-Bècherat

On aime pousser la lourde porte des lieux, dont la présence n’est indiquée que par un unique…point rouge (qui passe aisément pour une sonnette), surtout quand la brume hivernale donne au quartier une ambiance pesante et mystérieuse. Réfugiés sous nos gros manteaux, le nez caché dans une écharpe de laine, comme une envie de se planquer dans un endroit sombre et calfeutré. Et tandis que chacun rentre chez soi se réchauffer les mains au coin d’une cheminée, lapant gentiment son velouté au potimarron devant le 20h avant de s’endormir à une heure raisonnable, le Derrière se met à rêver d’interdits et à s’imaginer au temps de la prohibition l’espace d’une soirée qui s’éternise.

Entrons…

Un premier sas de « décompression » nous isole du froid (ou de la chaleur en été). A l’intérieur, l’accueil des serveurs est élégant, la lumière tamisée et le rouge omniprésent. La lumière est captée par l’immense bar qui attire d’emblée le regard, et au coin de cette ode à la mixologie qui expose ses dizaines de bouteilles telle une fashionista exhibant sa collection de Loubis, on s’attend presque à retrouver l’acteur principal de Mad Men, son brandy dans une main, sa cigarette dans l’autre (damned…qu’as-tu fais de nos bars enfumés Mr Evin…).

Au choix : une table haute, une petite table ronde, ou bien un canapé cosy, mais le notre se pose toujours au bar, mème si nos pieds on du mal à toucher terre du haut de ces chaises rehaussées. Car le spectacle de tout bar à cocktail, c’est ici qu’il est donné : la valse des alcools, des jus, des épices, la découpe des glaçons, la danse du shaker, que le barista joue devant nous. Barista blondinet et un brin charmeur, qui tout en déclamant ses ingrédients à la manière d’un Verlaine faisant des vers, constitue lui aussi un agréable spectacle pour les Derrières féminins.

Ils sont sympas les baristas ici. Suffisamment taiseux pour ne pas vous laisser croire que vous êtes ds un bar à touriste mais plutôt à initiés, mais pas avares de paroles dès lors que vous les lancez sur leur passion.

Crédit photo // Constant Formé-Bècherat

Lapage en bonne et due forme

Prenez le temps de lire la carte des cocktails : un vrai roman d’H.G Wells, on y remonte le temps. Toute l’histoire des cocktails est déclinée : ils sont tous là. Prévoyez un bon quart d’heure pour faire votre choix….et de multiples occasions de revenir pour tout tester. La première fois, c’est comme en amour : on veut de l’inédit, que ce soit différent d’avec le dernier mec. Alors on osera une miction détonante, avec de la coco ou du piment, on voudra être impressionnés par une flamme au dessus d’un verre style « île de Pâques ». On demandera à la carte « surprends moi bordel ! ». Et puis la fois d’après, on voudra s’assurer qu’on a « trouvé le bon ». On testera la capacité du maitre des lieux à maîtriser ses classiques : on se la jouera puriste, à grands coups de Negroni et Old Fashioned.

Gaël

Le maitre des lieux, c’est Gaël. Le propriétaire. Un peu timide à prime abord, d’une modestie déconcertante, c’est un maitre ès mixologie à Bordeaux et bien au delà. Souvent, dans nos pérégrinations de bars en bars bordelais (nos nuits sont si longues…), on nous parlera de lui comme un maitre à penser. Il a installé son bureau à l’étage, comme ça il est toujours ici. Très occupé, mais jamais trop quand vous l’interpellez au vol pour lui poser une question sur sa passion. Là, il s’assoit avec vous le regard lumineux d’un enfant qui vous parle de son « amoureuse ». Gaël, c’est la définition mème du mec « habité ». Qui a monté son bizz pour kiffer, et pas pour se faire du blé sur le dos de ses clients. D’ailleurs, ses très variés nectars sont pour la plupart entre 9 et 11e, bien moins chers que dans d’autres établissements où notre langue a trempé à regret dans des mixtures mal maitrisées.

Au Point Rouge, on boit bien, on boit bon. Les tapas maison sont un poil cher, mais frais : le rapport qualité prix est là. Pas les uns sur le autres, on apprécie le calme de la soirée, et quand nous vient l’envie de s’encanailler un peu, des afterworks musicaux ou dégustations sont organisés en semaine en saison. Des ateliers cocktails permettront mème aux plus intéressés de comprendre cet art, car croyez nous la mixologie en est un. Chaque alcool a d’abord des dizaines de déclinaison : le choix d’un rhum, d’un gin, est déterminant dans le gout d’un cocktail. Puis viennent les ingrédients que l’on choisit de rajouter, et le jute dosage. Imaginez les possibilités…

L’art de la mixologie…

Notre cocktail chouchou ? le Bordeluche. Pas que l’on soit chauvin, mais ce cocktail à base de vin rouge et d’anis est d’une sensualité absolue. Et dans une ville où le sang de Bacchus est équivalent à celui du Christ, qu’il s’agit de ne pervertir au contact de rien, nous trouvons le geste osé. ça nous plait…

Coté vin justement, les mono-maniaques du divin nectar trouveront aussi leur bonheur. Cette carte est très large aussi (un peu chère sur certaines étiquettes toutefois), et le sommelier n’est autre que l’ancien du Chapon Fin. On appréciera son chardonnay en passant à table dans l’autre salle de l’établissement, qui fait aussi restaurant.

C’est peut-être là notre seul bémol… Le soir, un menu à 34 euros est proposé. Fin et élégant. Frais. Pas forcément surprenant mais maitrisé comme il faut. On regrettera justement cette dichotomie entre l’ambiance old school et érotiquement feutrée du bar et la cuisine très classique du restaurant. Nos papilles attendaient plus d’audace, et le service un poil oppressant (on ne vient pas ici pour être servi comme dans un gastro, diantre…) peut agacer. La carte est bonne, mais assez onéreuse (pas de plat à moins de 20 euros) et aussi courte qu’une grasse matinée avec un chat qui attend ses croquettes à 7h. oN préfèrera laisser la soirée s’éterniser côté bar, mème si l’addition sera toute aussi salée (voire plus) en empilant les tapas, mais au moins ces derniers ont ce côté gredin que l’on attend ici.

Verdict ?

Crédit photo // Constant Formé-Bècherat

Que dire de plus sur ce lieu? Qu’il fait partie de nos QG, surtout quand le lourd canapé de cuir est libre. Qu’il est étonnant d’entendre dire, en l’évoquant, « c’est bien mais c’est loin », quand tant de bordelais sont prêts à faire 30 minutes de queue pour manger à l’Entrecôte, ou quand une virée aux Chartrons ne dérange pas autant. Le Point Rouge est pour nous suffisamment éloigné de l’hyper centre pour que le Derrière s’y sente un peu « à l’écart », mais bien assez proche pour qu’une soirée là bas ne soit pas une virée des plus pénible à organiser.

 

On valide, donc, et on vous invite à vous aussi découvrir l’ambiance qui se joue derrière la vaste porte de l’aile droite du Château Descas. Dites-nous ce que vous en pensez…

 

Le carnet de notes :

Le Point Rouge

1 Quai de Paludate – Bordeaux

http://www.pointrouge-bdx.com – résas : +33 (0) 5 56 94 94 40 / contact@pointrouge-bdx.com

Les suivre sur Fac
ebook : http://www.facebook.com/lepointrougebdx

 

 

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