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Bordeaux, l'esclavage et le commerce triangulaire : une visite guidée qui bouleverse les idées reçues

Aimer notre ville ne doit pas nous empêcher d’en lire avec objectivé les pages d’histoire les plus sombres.

Cela n’est pas valable que pour Bordeaux : les riches ors des métropoles et la fortune de certains grands bâtisseurs en France furent souvent rendues possibles par des sacrifices, et donc des sacrifiés.

Parmi eux, les victimes du commerce triangulaire. Les esclaves.

Une visite guidée à Bordeaux, menée par l’association « Mémoires et Partages », permet de comprendre ce qu’il s’est passé à l’époque… et découvrir les traces laissées en empreintes ça et là par ce douloureux passé, sur l’architecture de la ville à travers quelques détails bien cachés (ou pas).

 

Bordeaux et le commerce triangulaire

Contrairement à des villes comme Nantes ou La Rochelle, Bordeaux n’a reconnu que tardivement ce passé ambivalent : un commerce portuaire qui propulsa une ville soudainement tournée vers sa Garonne au XVIIIe siècle (jusqu’ici, le fleuve était perçu comme un danger face aux invasions), mais qui a induit de prendre part au commerce triangulaire et au transport d’esclaves.

Cette reconnaissance, tardive, est toutefois digne et honnête aujourd’hui : Alain Juppé a inauguré une plaque commémorative il y a quelques années sur les quais de la rive gauche, en hommage aux victimes de l’esclavage, et le Musée d’Aquitaine de Bordeaux a ouvert un espace richement documenté sur cette partie de l’histoire bordelaise.

Il faut savoir que Bordeaux, de ruelles en monuments, a gardé des (rares) traces de cette époque. En témoigne par exemple des mascarons représentant des femmes créoles au dessus de certaines fenêtres de la Place de la Bourse.

Si vous aimez l’histoire et si vous souhaitez découvrir Bordeaux sous un autre angle, en dehors des circuits traditionnels, nous vous invitons très très trèèèèès vivement à découvrir la visite guidée proposée par l’association « Mémoires et Partages », avec le brillant Karfa Sira Diallo pour conteur le temps de 2h de circuit dans la ville.

 

« Bordeaux Nègre », la visite guidée de l’association Mémoires et Partages

La visite

2h de visite dans la ville, qui retrace en 6 étapes la Grande Histoire tout comme les petites anecdotes et les affres du quotidien de cette époque où Bordeaux s’est développée en partie via le commerce triangulaire. De Pey Berland au quartier Saint-Pierre, les détails de ce sombre passé sont bien présents, tapis dans l’ombre des pierres blondes pour qui sait les voir, et surtout les regarder. C’est absolument passionnant, à la fois de les découvrir, nous qui passons devant sans mème avoir conscience de leur existence, et d’en apprendre plus sur cette autre histoire de la ville.

Une deuxième visite est proposée sur rdv: les « Chartrons Créoles ».

Lancée lors des Journées du patrimoine de septembre 2012,  ce fut la première visite-guidée française sur les traces du patrimoine issu de la rencontre entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques, et elle se poursuit avec désormais ces deux parcours qui commencent à se faire leur place dans les animations alternatives proposées à Bordeaux.

Un homme engagé à l’origine du projet

Karfa Sira Diallo, fondateur et directeur de l’association « Mémoires et Partages », se définit comme un militant d’une mémoire apaisée et partagée. D’origine franco-sénégalaise, il a participé au vote par le Sénégal de la première loi africaine reconnaissant la traite des noirs et l’esclavage comme crime contre l’humanité, et a œuvré pour que Bordeaux reconnaisse son passé « négrier ». Essayiste et éditorialiste, il a également initié de très belles expositions, en particulier « Frères d’armes » évoquant la période de la Première Guerre Mondiale.

C’est par la plume, la pédagogie et le partage des savoirs, qu’il se fait un excellent passeur d’histoires et d’Histoire, pour les Bordelais comme les touristes. Sans colère, ni culpabilisation, il raconte, il explique : comprendre, pour ne plus voir l’histoire se répéter, mème si en de trop nombreux endroits du monde encore celle-ci voit l’être humain déployer les pires atrocités sur son prochain, pour la simple raison d’une « différence » pointée du doigts ici, quand elle est acceptée ailleurs. Et puis, dans le fond, c’est quoi être « différent »…. Un genre ? Une couleur de peau ? Une religion ? Une couleur de cheveux ? Une maladie ? C’est cela qui qualifie et « classifie » notre humanité ?

L’équipe du Derrière pense qu’il faudrait plus d’hommes et de femmes comme lui sur cette terre si violente, ou qui a tendance à porter des œillères parfois. Et nous pensons aussi qu’il faut profondément aimer sa ville pour en ouvrir en profondeur son carnet intime, rétablir son histoire, mème si celle-ci peut parfois faire mal. Mr Diallo est donc, d’après nous, un amoureux de Bordeaux.

Infos pratiques

Le site internet de l’association : http://www.memoiresetpartages.com

Prochaines dates de visites de la ville « Bordeaux Nègre »: dimanches 9, 16 et 30 juillet / 13 et 20 août / 3, 10 et 24 septembre

Octobre, Novembre et Décembre (dates à venir, à suivre sur le site internet…)

Lieu de rendez-vous: 10h, Ecole de la Magistrature (Palais de Justice) – Arrivée: Place des Quinconces (devant la Colonne des Girondins)

Inscription obligatoire: memoires.partages@gmail.com 

 Visite « CHARTRONS CRÉOLES » : (sur demande!)

Les Chartrons sont le grenier commerçant de la ville de Bordeaux dans le siècle des lumières…

En famille, entre amis, entre collègues, en vacances, avec la classe ou la fac, venez profiter d’une activité culturelle et citoyenne inédite !

Durée : 02:00 – Tarif : 10.00 €

Tarifs groupe scolaire: forfait sur demande (groupe de 25 personnes maximum)

 

Autre lieu de mémoires sur ce sujet à Bordeaux : le Musée d’Aquitaine.

Une réflexion contemporaine autour de l’esclavage et ses répercutions

Une partie de l’exposition permanente du Musée, qui retrace l’histoire de Bordeaux depuis la Préhistoire, est consacrée à l’esclavage et ses répercussions aujourd’hui. Héritages culturels, politiques et sociaux : on aime la réflexion menée et rendue profondément actuelle, quand trop souvent on objecte à ce passé que justement, « il appartient au passé ». L’esclavage a laissé des traces, il a donné naissance à une société qui a mis un temps innommable à se débarrasser de ses inégalités et représentations symboliques. La violence de telles atrocités vécues il y a, finalement, peu de temps à l’échelle de l’Humanité, ne peut qu’être symboliquement ressentie par les héritiers des anciens esclaves opprimés, mème si ces derniers ne l’ont pas vécus directement. Et nous sommes, tous ensemble, les garants d’un monde où cela ne doit jamais recommencer.

Vous pourrez découvrir 3 espaces distincts :

  • un espace dédié au développement du commerce portuaire de Bordeaux, avec l’accentuation du commerce triangulaire à la fin du siècle qui positionne la ville au deuxième rang des ports négriers de France. Les modalités de la traite des captifs auprès des marchands africains sont explicitées
  • le second espace aborde l’organisation du système esclavagiste dans les îles à sucre, via des documents bouleversants sur les conditions de vie à l’époque dans les plantations, et les rapports sociaux induits. C’est assez dur, mais nécessaire, pour ne jamais oublier
  • le troisième espace s’interroge, comme évoqué plus haut, sur les répercutions de ces décennies d’esclavagisme et d’oppression sur la société actuelle

http://www.musee-aquitaine-bordeaux.fr/

Infos pratiques :

20 cours Pasteur – 33000 Bordeaux – 05 56 01 51 00
Collections permanentes & exposition temporaires :

Plein tarif : 5 €
Tarif réduit : 3 €
Audioguide : 2.50€

Du mardi au dimanche de 11h à 18h

Fermé lundis et jours fériés – Ouvert 14 juillet et 15 août