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Le quartier Fondaudège attend le tram... ou pas !

Alors oui, les travaux du tram ça fait un peu suer. Rue Fondaudège, toute sortie s’apparente à un de ces vieux passages de niveau dans Mario Bros sur la Nes : on fait des détours, on enjambe des plaques branlantes, on passe sous des échafaudages en se demandant si on est superstitieux, on n’a pas la place de faire se croiser une voiture et un vélo (surtout ceux de Foodora qui roulent à contre-sens…). Bref, on galère.

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Et pourtant, à Fondaudège…

Pourtant on est partagés entre la hâte que ça se termine, la coolitude que ce sera quand un tram nous posera direct au pas de notre porte, et l’envie de garder l’esprit petit-village qui règne ici. Car quartier Fondau’, c’est un peu comme le village des irréductibles Gaulois dans Astérix. La boboisation n’a pas encore eu lieu. Les romains n’ont pas débarqué à grands coups de coffee-shops, barbiers et agences immobilières. Les loyers restent raisonnables, et mème que l’on y a un jardin.

Un grand jardin.

Fondaudège version Tonino, Nador and co

Le fromager au début du quartier (numéro 40 de la rue Fondaudège) est comme celui du village de notre enfance : il vous met toujours « un peu de rab » et vous fait gouter le dernier Saint-Nectaire déniché. L’autre fromagère au 197 n’est pas sa concurrente mais son amie. On la croisera souvent chez Tonino, le bar sans chichi qui toise avec morgue depuis le numéro 209 la place Marie Brizard en friche, installant tables et chaises sur une terrasse ravagée par les tracto-pelles. Car on s’en fout bien que tout ne soit pas niquel à Fondau. On s’adapte, tant qu’on est entre potes. Sans prétention, dans une ambiance mi vieux-troquet, mi-chez-soi quand on s’enfonce dans un des canapés vintages de Nico, ici se retrouvent pour l’apéro les commerçants du quartier. Ils se connaissent, et ils nous connaissent, nous leurs clients.

La Cabane 191, les pasteis de Lazaro et l’Entre-deux-Vins

Au numéro 191, une cabane à huitres ensoleille nos dimanches matins. Quand on croit juste aller acheter une baguette de pain à côté, au 199 où l’on trouve des pasteis portugais à se damner, et que l’on cède à la tentation de se poser là, bercé par l’accent iodé des patrons, qui te servent le ballon de blanc en attendant que les crevettes et les coquilles fondantes arrivent sur la table. C’est pas clinquant à l’intérieur, mais c’est tout ce que l’on demande à une cabane à huitres : passer un bon moment, authentique et terroir. C’est d’ailleurs le seul établissement de ce type à Bordeaux, grande-tante du Bassin d’Arcachon pourtant…

Photo : la Cabane 191-Facebook

Parfois, pour changer un peu, on ira alors se poser au 193, chez Sandrine et son « Entre-deux-Vins ». Pas peu fière d’avoir déniché une pépite qui a su détrôner le Château Petrus en dégustation à l’aveugle, le Château de Reignac (prix moyen à la vente : dans les 25 euros…donc bien loin de Petrus !), elle a son caractère Sandrine et on aime la façon dont elle habite son joli bar-à-vins.

L’Imprimerie et Christian Dur-à-Cuir

Au 98, le papa de Maxime Machenaud tient l’Imprimerie. L’adresse est gourmande, d’un rapport qualité prix aussi parfait que les matchs du fiston. Connu des fins gourmets, mais pas encore envahi, le patron a encore le temps de nous parler avec son fort accent qui a la gouaille du sud-ouest, de sa passion pour la cuisine, le rugby, et nous expliquer les maillots qui trônent au mur. ce sont ceux de Maxime. Nous, on y connait que dalle en rugby, mais on aime la pétillance des yeux du papa quand il en parle, alors on a envie de s’y mettre. Et de rencontrer un jour le fiston.

En repartant, on rigole toujours un peu devant la devanture de Christian Dur-à-cuir, le cordonnier du 163. Il est sympa Christian, avec son vrai look de dur-à-cuir, ses gros muscles et sa petite moustache, et doux comme un (cuir d’) agneau pourtant…

Anne Câline

Au numéro 99, il y a la chef de l’asso du quartier : Anne Câline, qui tient un salon de coiffure éponyme. Bien que son nom de famille ne doit pas vraiment être « câline », mais ça sonne bien. A l’intérieur, pas de hipsters à barbe (mème si on les aime hein) mais une ambiance un peu old school. Comme ce salon où mamie nous emmenait quand on était môme, qu’elle se faisait refaire son violine et que pendant ce temps on dévorait les Points de Vue et Paris Match, en se faisant chouchouter par toutes les mamies qui venaient plus pour papoter que pour se refaire faire leur mise en pli. Un jour, Miss Derrière de la rue Fondau, elle est arrivée chez Anne Câline en urgence : une bourde de coloration et elle s’était retrouvée la crinière rouge pétant. Madame Câline a convaincu la miss de tout couper au carré, « parce que là votre cheveu il est foutu », et tandis que les coups de ciseaux poignardaient son petit cœur fragile, soudain les 4 mamies installées à côté se sont écriée: « mon diiieu, on dirait Fauve de Danse avec les Stars !!!! ». Alors ce moment un peu old school, loin des salons à la mode du quartier Saint-Paul, il a fait du bien à Miss derrière; il lui a rappelé sa mamie qui la trouvait toujours belle.

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Oh, on sent bien que l’urbanisme impersonnel arrive…on n’est pas des naïfs. Il y a la salle de sport « de chaine » qui s’est installée au tout début de la rue. On ne s’en plaint pas, on n’a plus à faire des kilomètres pour soulever de la fonte; mais bon, quand mème… Il y a aussi cette agence immobilière qui a remplacé le vieux garage à vélo, ou encore la Bibliothèque de quartier devenue un assureur. Et puis il y a ce complexe un peu dingue qui va arriver d’ici deux ans, en lieu et place de l’ancien temple de l’anisette : Marie Brizard va laisser place à des bureaux, appartements, parkings et commerces de proximité.

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Fondaudège côté Hasnaâ, le Puits d’Amour, Yves Viénot

Mais pour le moment, les « petits nouveaux » restent dans l’esprit artisan et village du quartier. Hasnaâ, THE chocolatière, a logé ses Oompas-Loompas au numéro 192. Et juste en face, au 113, la boutique déco « Puits d’Amour » est une caverne d’Ali-Baba où l’on adore fouiner. Entre une patère posée sur un bouquin de la bibliothèque rose et un carnet recyclé, le jeune couple installé ici donne également des cours de pyrogravure aux gamins.

Leur homologue au numéro 85 fait bien vintage en comparaison. Brocanteur poète, on y retrouve de vieux jouet, et surtout ces citations bien senties qu’il affiche régulièrement en devanture. On se souvient de ses mots en vitrine pour ses clients quand il part en vacances…

En attendant à Fondaudège…

Oui, on en a marre des travaux à Fondau’, mais paradoxalement on savoure dans le joyeux bordel de notre rue ces derniers instants « périphériques ». Alors posés chez Tonino, tartinant généreusement notre tranche de pain de campagne de terrine maison tandis qu’Alain nous sert un « dernier » verre de côte de Gascogne avant d’aller se coucher, on se dit « vivement que les travaux se finissent », et en mème temps on voudrait arrêter le temps. Rester là et garder jalousement notre quartier mal desservi. Derrière la place Tourny, derrière la ligne de tram. Parce qu’on a peur que nos petits commerçants chouchous ne survivent pas aux travaux, et qu’ils soient remplacés par des enseignes plus impersonnelles où derrière le comptoir, on ne nous « reconnaitrait » pas. Où la boulangère ne se souviendrait pas qu’on aime notre baguette pas trop cuite, où le fromager serait remplacé par une banque ou par Etam et Promod.

Ça fait ringard. Ça fait vieux cons. mais avant de surkiffer le nouveau Fondau’ d’ici deux ans, laissez-nous dire au revoir à celui que l’on aime depuis des années. Avec un peu de chance, si on s’y met tous, il ne changera pas tant que ça…

2 Responses to Le quartier Fondaudège attend le tram… ou pas !

  1. Jean-Baptiste

    Sans oublier au 203, le restaurant italien À Mi-Chemin où Michel nous régale le palais des saveurs de son enfance, avec ses antipasti à tomber, ses légumes cuits et assaisonnés à la perfection, ses pâtes délicates, y entrer c’est déjà voyager…
    Sans oublier aussi au 193, la cave Entre-Deux-Vins, où Sandrine vous accueille d’un sourire et d’un verre de sa dernière découverte chez un petit vigneron caché en faisant résonner les belles pierres d’un éclat de rire déjà légendaire, et en partageant ses barriques et ses tables que l’on voit sur la photo pour un apéro dans la rue afin de déguster les huîtres de ses voisins de la Cabane 191, accompagnées de vins bien choisis.
    Et ceci sans faire concurrence à Nico de Chez Tonino, épicurien et découvreur de talents, car chacun propose une offre différente à des clients qui ont ainsi un large choix, permettant aux amateurs de bons vins de trouver leur bonheur et faire de belles rencontres.
    Encore un mot pour la fée du repassage, Maria, de Clean Fondaudège au 124, toujours vaillante et battante, à la voix chantante.
    Et tant d’autres commerçants à remercier et à visiter, à soutenir et à féliciter d’être là, fervents amoureux de la rue Fondaudège.

    • L'intello

      Ouiiii, nous en avons oublié beaucoup ! L’Entre-deux-Vins est une excellente adresse que nous rajoutons dans l’article, comment avons-nous pu oublier la dénicheuse de pépites type Reignac !!! Nous ne connaissons pas Maria, alors merci de conseiller ses services, nous ne manquerons pas d’aller la voir si un jour Miss Derrière se décide à repasser son linge (elle semble préférer le froissé…). Il y a aussi Amélie, la douce coiffeuse qui affiche une citation de Baudelaire en vitrine vers la place Marie Brizard, ou encore le gentil boucher-traiteur qui met toujours un peu de rab dans ses commandes (vous le connaissez ?). Et cette semaine on a appris avec frénésie l’ouverture d’un nouveau magasin de déco vintage au milieu de la rue, avec de vieux mange-disques dedans, à découvrir au plus vite !!!! Merci de votre commentaire <3

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